Personne n’a vu venir cette interdiction intervenue en cette soirée du 06 Mai 2024, de bloquer l’embarcation du pétrole Nigérien depuis Sèmè-Kpodji tant que les frontières du côté du Niger resteront fermées. Une décision qui occulterait presque une autre interdisant l’exportation du maïs béninois vers les pays tiers y compris le Niger.
Un nouveau chapitre dans les relations exécrables avec la junte nigérienne
Patrice Talon et le Bénin avaient été pris pour cible par les tombeurs de Mohamed Bazoum depuis les velléités finalement avortées de la CEDEAO d’intervenir militairement au Niger ainsi que la cohorte de sanctions infligée par l’instance sous régionale.
Depuis, malgré la levée des sanctions, le Niger s’est gardé de rouvrir ses frontières avec le Bénin malgré la volonté de Patrice Talon d’arriver à une certaine normalisation des relations entre les deux pays.
Paradoxalement, le pétrole nigérien a commencé par couler depuis le mois d’Avril via le pipeline Niger-Bénin sans autre forme de protocole. Un pipeline long de 2000km dont 675km depuis Agadem au Niger vers la station terminale à Sème – Kpodji sur la route de Porto-Novo.
Tiani désormais sous pression ?
Le coup de Poker de Patrice Talon n’est pas sans risques. Sur la réputation du Pays et momentanément faire une croix sur les droits de transit du pétrole Nigérien et autres recettes fiscales. Un risque qu’il peut se permettre de courir dans une certaine mesure tant l’économie béninoise a démontré ses derniers mois une certaine résilience malgré le manque à gagner généré par la fermeture de la frontière Nigérienne.
Mais surtout, le Niger ayant obstinément choisi de garder ses frontières terrestres fermées avec le Bénin a aménagé le terreau fertile à la décision béninoise ; le pipeline étant une infrastructure terrestre.
La Décision de Patrice Talon s’apparente alors à une sorte de tout ou rien : soit la partie Nigérienne rouvre sa frontière et les échanges reprennent, soit maintient le statu quo et rien ne transite y compris le pétrole.
Patrice Talon renverse ainsi le rapport de force et met la pression sur les maîtres de Niamey. Après avoir fait le dos rond aux torrents de critiques à la suite de son alignement tous azimuts derrière la position de la CEDEAO et subi des semaines durant les invectives des nouvelles autorités nigériennes, le Président Béninois reprend ainsi l’initiative et ce de façon spectaculaire.
Que fera la China National Petroleum Corporation ( CNPC) ?
C’est peut-être de ce côté qu’il faudra être attentif aux réactions découlant de la décision béninoise. La CNPC a en effet investi plus de 6 milliards de dollars dans le développement de ce projet dont 4 milliards pour le développement des champs pétroliers du gisement d’Agadem et 2,3 milliards pour la construction de l’oléoduc.
On peut y ajouter les 400 millions de dollars que la partie chinoise vient de consentir, au titre d’une « avance » au profit de la partie Nigérienne et que les recettes futures issues de la commercialisation du brut serviront à rembourser avec un taux d’intérêt de 7%.
Au vu de l’importance des engagements financiers de la CNPC, nul doute qu’elle se montrera très proactive dans la gestion de ce dossier.
Ce qui est certain, Patrice Talon vient de mettre fin au statu quo et de décider d’être « Hérisson plutôt que Paillasson ». Le Niger devra réagir…dans quel sens ? on le saura très vite.
Par Yao M.